Je me souviens ,c’était l’été au lendemain de la guerre. Pour la deuxième fois nous étions ,
mon frère ,ma soeur et moi séparés de maman et pour la première fois nous étions en colonie de
vacances. Nous étions hébergés dans une belle et grande bâtisse débarrassée de son mobilier.
Seuls demeuraient les hauts placards muraux dans les dortoirs.
Celui des filles donnait sur le parc. Le soir, alors que les fenêtres étaient grandes ouvertes on
entendait le crissement des cigales et l’odeur entêtante des magniolias montaient jusqu’à nous.
A l’heure du coucher après les rires et les bavardages ,le calme revenu nous guettions inquiètes et
impatientes l’arrivée imminente de Bobard.
Il venait du dortoir des garçons au fond du couloir. Il s’asseyait au pied d’un lit ou peut être sur une
chaise et nous racontait des histoires de fantômes qui sortaient des fameux placards. C’était terrible .
On en redemandait .
Après les frayeurs de la guerre ,celles-ci nous ravissaient.
Il ne repartait pas sans nous mettre en garde .
– Méfiez vous les filles , couvrez vous ,c’est l’heure des chauves souris si elles s’agrippent à vos
cheveux on ne peut plus les faire lâcher prise.
Et puis la monitrice venait fermer les persiennes ,éteindre les lumières.
– Bonne nuit ,faites de beaux rêves.
Je me souviens, c’était l’été, nous avions grandi et nous étions en vacances dans un hameau
au pieds d’un glacier avec notre mère. Nous descendions dans la vallée, »en ville « faire les
commissions deux fois par semaine. C’était une expédition et en chemin nous nous arrêtions près
d’une chapelle abandonnée. La porte branlante était entrouverte et nous nous glissions à l’intérieur
pour regarder les chauves souris agglutinées ,en paquet ,serrées les unes contres les autres .
Elles étaient enveloppées dans leurs ailes griffues et dérangées dans leur sommeil, elles gigotaient la
tête en bas
Pris de panique à l’idée qu’elles nous tombent sur la notre ,nous prenions la fuite en nous bousculant
dégoûtés et criant une fois passée la porte grinçante.
Et puis c’est l ’été. Sur la terrasse de la maison au bord de la mer . Les hirondelles au crépuscule
font une dernière virée et rejoignent leur dortoir dans le patio cédant la place aux Chauves souris .
Dans le silence, sous le ciel étoilée avant que les lampadaires ne s’allument, elles chassent . Vol vif et
saccadé. On entend le chuintement de leurs ailes .
Je tente de les suivre des yeux. Vous vous rendez compte, elles peuvent manger jusqu’à six cent
moustique par nuit. Et moi je vais pouvoir dormir Tranquille.
May Angeli 7 Avril 2020